La lingerie libertine de Diana Slip
Diana Slip, tu connais ? Moi, j'ai découvert cette maison de lingerie fétichiste grâce à ce curieux livre-catalogue que l'on m'a offert (il y a des jours heureux, n'est-ce pas ?). C'est un petit livret (12 x 16 cm) d'une centaine de pages environ, agrémenté de nombreuses photos.
L'objet n'est pas tout jeune : il remonte aux années 1930. C'est en effet à cette époque que la manufacture de lingerie Diana Slip officiait à Paris, filiale des Éditions gauloises fondées par un certain Victor Vidal. Vidal, c'est un homme important dans le milieu des affaires érotiques. Vaste consortium de sociétés d'édition, de librairies et de boutiques (plusieurs dizaines), les Éditions gauloises (renommées Librairies Nouvelles en 1936) regroupent de nombreuses filiales. Parmi elles, on retrouve par exemple les éditions du Couvre-feu, assez célèbres dans la littérature BDSM des années 1930, le périodique Paris Magazine qui publiait des photos de nus (et de nombreuses publicités pour les autres sociétés du groupe Vidal), et Diana Slip, donc, spécialisé dans la lingerie érotico-fétichiste et les accessoires BDSM.
Intitulé Pantalons de femmes, mon livret est donc un catalogue de vente par correspondance. Il ne s'agit cependant pas exclusivement de pantalons féminins. Les productions de Diana Slip sont en effet vastes : corsets, soutiens-gorge, gants, maillots de bain, pyjamas et déshabillés, mais également tout un tas d'accessoires pour s'amuser, allant des travestissements aux "articles spéciaux", en passant par les fouets, cravaches, verges et même du faux sang. On appréciera la poésie des noms donnés à certains produits : pantalons "Petite Punition", "Luxure" ou "Petit Frisson", corset "Prends-moi", etc. Les vêtements étaient réalisées sur mesure, et le client devait inscrire sur le bon de commande toutes les mensurations nécessaires. Quant aux tarifs, ils s'adressaient bien sûr à une clientèle relativement aisée, un pantalon coûtant en moyenne 80 €, un corset 350 €, et une "ceinture de fidélité" 200 €. Chose mystérieuse, je n'ai trouvé nulle part d'adresse à laquelle retourner ces bons de commande. Sans doute y avait-il une feuille volante insérée, car mon catalogue paraît complet.
Au cœur du catalogue, se trouve un recueil de nouvelles gentiment érotiques. C'est qu'il n'y pas de petites affaires, et que ce catalogue n'était pas gratuitement distribué mais s'affichait au prix de 5 F (3,5 € environ). Il fallait donc bien qu'il soit un peu plus qu'un simple livret publicitaire. Titré Essais sur le pantalon féminin, le recueil rassemble huit textes non signés abordant chacun le pantalon selon une catégorie sociale.
Diana Slip était loin d'être une manufacture confidentielle. Sans doute inspirée par le succès de la maion Yva Richard, fondée en 1917, elle suivit sa trace et devint sa grande concurrente. Et toutes deux s'imposèrent comme de véritables pionnières, distribuant en France, en Europe et même dans le monde entier leurs créations de plus en plus extravagantes ! Et pour vendre leurs produits, elles firent appel à du beau monde de la photographie, tels les fameux frères Biederer, spécialisés dans la photographie érotique fétichiste. Concernant Diana Slip et le groupe Vidal, on retrouve également les noms de Brassaï, Roger Schall et Jean Moral. Et de fait, mon catalogue affiche des photos (non créditées) d'une surprenante qualité artistique.
Comme sa rivale Yva Richard, Diana Slip disparut durant la Seconde guerre mondiale. Et il semble qu'il n'y ait plus guère de traces de Victor Vidal après-guerre. Une époque s'était achevée. Les temps avaient changé.
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Je remercie Alexandre Dupouy pour ses précisions et ses informations concernant Victor Vidal et Diana Slip. Auteur (notamment) de deux livres sur cet "âge d'or du fétichisme", l'un sur Yva Richard et l'autre sur les éditions Ostra, qui d'autre aurait pu m'apporter un meilleur éclairage ?
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