Les Perversions discrètes de la bourgeoisie
Voilà un livre sans doute aussi rare que méconnu, au titre en forme de clin d’œil : Les Perversions discrètes de la bourgeoisie. Signé par un certain Xavier de la Motte et noblement illustré par un non moins certain Tony Bastos (on se doute qu'il s'agit là de pseudonymes), il fut publié en 1973, imprimé pour le compte de l'auteur "sur les presses spéciales de Mondial's Diffusion". Il ne s'agit pas à proprement parler d'un ouvrage clandestin, car il mentionne son dépôt légal et on le retrouve effectivement dans le catalogue de la Bibliothèque nationale de France. Mais il ne fut édité qu'une seule et unique fois, avec un tirage que l'on peut supposer modeste. (J'ajoute ici un petit rectificatif postérieur : après discussion avec un lecteur du blog, il semble que le tirage n'ait pas forcément été aussi modeste que ça. En effet, les sex-shops, points de vente de ce genre d'ouvrages, étaient à cette époque en pleine expansion, et le commerce pornographique plutôt florissant. Difficile cependant d'indiquer un nombre d'exemplaires, même approximatif.)
De l'érotisme en noir et or
Ce volume au format honorable de 17,5 x 23,5 cm est tout de noir vêtu, avec une couverture souple à rabats imitant un cuir au grain irrégulier (je crois qu'on dit papier maroquiné). Le titre sur le premier plat, ainsi que les noms de l'auteur et de l'illustrateur, sont dorés, et une illustration en couleur imprimée sur une vignette est collée au centre de la couverture. Sur la tranche, des ornements également dorés encadrent un "PB", initiales abrégées du titre, ainsi que le logo de Mondial's Diffusion.Mondial's Diffusion, un catalogue hautement spécialisé
Sur mon exemplaire, Mondial's Diffusion se présente comme diffuseur-distributeur (et non comme éditeur). Un diffuseur-distributeur qui semble donc posséder ses propres "presses spéciales".Toutefois, en questionnant le site de la Bibliothèque nationale de France, on voit que ce label apparaît tantôt comme éditeur, et tantôt comme diffuseur ou imprimeur pour le compte d'auteurs. On remarque aussi qu'il ne dura guère, puisque l'ensemble de la production affichée est concentré sur l'année 1973, hormis un ouvrage paru l'année suivante (1974). Au total, on compte ainsi 14 livres publiés, toujours pornographiques, et qui se plaisent à adopter des titres évoquant des films réalisés quelque temps auparavant. Parmi les plus amusants, nous trouvons Carotte mécanique, Les Bourses à Lino, Sévices compris, Voluptycon ou encore, bien entendu, mes Perversions discrètes de la bourgeoisie. Toute la production de Mondial's Diffusion est-elle cependant mentionnée sur le site de la Bibliothèque nationale de France ? On peut en douter, car j'ai trouvé sur internet (site de la librairie L'Amour qui bouquine, pour ne pas la citer) un livre estampillé Mondial's Diffusion, pourtant absent du catalogue de la BNF...
Une histoire d'initiation dans la perversion
Mais revenons-en au livre. L'histoire se présente comme une confession, celle d'un enfant "torturé par le vice". Voici l'avant-propos :En fait, c'est celle de l'apprentissage sexuel d'un jeune homme de la bourgeoisie provinciale. Et on y trouve de quoi satisfaire (presque) tous les goûts ! Car notre héros, après s'être initié avec sa jolie cousine, déclinera ses expériences volontiers sodomites avec d'autres jeunes femmes, puis avec des hommes. Et sa sœur, qui n'est pas en reste côté désir charnel, offre au lecteur l'occasion d'assister à de charmantes scènes saphiques. Puis la perversion va croissant, pour aboutir à des expériences de viols et à un délicieux final de SM entre femmes. Parler de satire sociale à propos de ce livre serait sans doute un bien grand mot, car l'intention est quand même essentiellement pornographique. Mais on est loin du mauvais roman auto-édité : le récit est cohérent et le style tout à fait respectable, usant d'un vocabulaire franc et direct sans surenchère dans le salace.
Des illustrations superbement maîtrisées
Mais ce qui retient l'attention, bien sûr, ce sont les très nombreux dessins en noir et blanc. On en compte une bonne centaine, un par double page, en regard du texte qu'ils illustrent directement. Probablement réalisés à l'encre, ils affichent un style particulier et surtout une très grande maîtrise. On imagine facilement que Tony Bastos n'en était pas à son coup d'essai, ou alors ce fut un coup de maître ! Je vous laisse juge avec ces quelques exemples :
Un dessin d'ouverture, où l'on voit comment s'amuse la bourgeoisie...
Des scènes saphiques...
De l'amour entre homme et femme...
Du voyeurisme...
Des hommes entre eux...
Le viol d'une pauvre modiste, où notre héros se fait en même temps sodomiser...
Une scène où la sœur du héros et une amie à elle se font maltraiter par des centaines d'ouvriers, et leurs femmes...
Et enfin la scène finale de domination lesbienne...
On le voit, les dessins oscillent entre érotisme et pornographie (on voit finalement assez peu de sexes en gros plan). Précis dans leur exécution, ils offrent une grande richesse de détails, le tout dans un esprit que je qualifierai à la fois de baroque et naïf. Les visages et leurs expressions sont d'une simplicité aussi désarmante qu'efficace, et les décors s'ornent volontiers de volutes à profusion. Quoi qu'il en soit, voilà un ouvrage érotique illustré de grande qualité, précieux par sa rareté et la qualité de ses illustrations.
Informations complémentaires
ISBN : aucunFormat : 17,5 x 23,5 cm
Nombre de pages : 240
Prix moyen d'occasion : très variable selon l'état, mais entre 100 et 250 euros
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