Voici un livre que j'apprécie particulièrement dans mon Érothèque :
The Wonderful World of Bill Ward, King of Glamour Girls. Un livre imposant, il faut le dire, puisqu'il mesure 35 cm de haut par 26,5 cm de large, pour une épaisseur de 5 cm (346 pages de papier bouffant plutôt épais). Ce format lui permet du coup de faire la part belle aux très nombreuses illustrations, la plupart en pleine page.
Ce livre a été confectionné par le photographe américain Éric Kroll (dont je reparlerai sûrement à propos de son ouvrage
Eric Kroll's Beauty Parade) et publié par les éditions Taschen en 2006. Il s'agit d'une monographie consacrée au dessinateur américain Bill Ward, maître dans l'art des pin-up et des femmes à la sensualité dévastatrice.
Bill Ward : son parcours de dessinateur
L'ouvrage s'ouvre sur une longue présentation de Ward par Éric Kroll (présentation en anglais, mais traduite en allemand et français à la fin de l'ouvrage). Nourrie de larges extraits d'interviews données par Ward lui-même à différentes occasions, mais aussi d'interviews menées par Kroll auprès de personnes ayant connu le dessinateur (notamment son fils Gary Ward), cette introduction retrace essentiellement le parcours professionnel de Bill Ward et l'évolution de son art, mais aborde également quelques traits de son caractère. Parmi eux, j'ai surtout retenu son anxiété permanente de ne plus avoir de clients, sa méconnaissance de son propre talent et son besoin insatiable de travailler.
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Bill Ward au travail (photo retouchée utilisée dans Black Nylons, vol. 1, n°4) |
Les débuts de Bill Ward
Je ne saurais résumer ici tout ce que contient cette présentation. Toutefois, pour situer l'homme, précisons qu'il est né en 1919. Il réalise ses premiers dessins rémunérés à l'âge de 17 ans, avant d'étudier l'illustration au Pratt Institute de Brooklyn. Ce sont les débuts de l'âge d'or de la bande dessinée aux États-Unis, et Ward fait ses premières armes pour différents éditeurs. Il y apprend ainsi les multiples métiers de l'illustration et de la BD (encrage, mis en page, dessins d'arrière-plan, etc.) et affûte son savoir-faire. Appelé sous les drapeaux pendant la Seconde Guerre mondiale, il est affecté dans une unité de DCA sur le sol américain. Il continue de travailler secrètement pour Quality Comics, mais il se fait coincer et l'armée lui demande de dessiner pour elle. Il invente alors le personnage de Ack-Ack Amy, une fille à matelots préfigurant Torchy, qui deviendra héroïne de BD à part entière en 1949.
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Couverture du premier numéro de Torchy, novembre 1949 (coll. de Bill Nutting) |
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Couverture de Torchy n°5, juillet 1950 (coll. Ben Samuels) |
Bill Ward fait des gags
Dès lors, les affaires marchent bien pour Bill Ward. Il collabore très activement aux magazines
Humorama, leur livrant un nombre impressionnant de gags visuels où les hommes fondent sous le charme de femmes aux jambes infinies gainées de bas, à la taille toujours plus fine et aux seins toujours plus arrogants. Il travaille aussi pour de très nombreux magazines masculins, signant sous divers pseudonymes (McCartney, Ordway, Satana, etc.). Il dessine également, en 1962, un catalogue de lingerie féminine portée par Lily St. Cyr, actrice et stripteaseuse (le dessin étant alors plus à même de passer la censure que la photographie).
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Catalogue n°64 (1962) de lingerie créée et présentée par Lily St. Cyr, dessiné par Bill Ward |
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Idem ci-dessus |
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Idem (détail) |
Bill Ward déshabille ses femmes
Dans les années 60, les publications américaines changent. La censure s'assouplit et les revues de pin-up et magazines gentiment suggestifs ne font plus le poids face à l'apparition de publications beaucoup plus explicites. La demande des éditeurs évoluent et Ward s'adapte. Il collabore ainsi activement au périodique
Sex to Sexty où ses femmes désormais affichent leur poitrine. Il réalise aussi à la fin de la décennie de nombreuses couvertures (à l'instar d'Eric Stanton, par exemple, ou Gene Bilbrew) pour des petits livres fétichistes et sadomasochistes. Une tendance qui va se confirmer à partir des années 70 où Ward produit de plus en plus de dessins à tendance SM (sans pour autant abandonner totalement gags, pin-up et BD). Il fournit ainsi de nombreuses illustrations pour les publications d'Eros Goldstripe, où les femmes ne sont plus de fausses ingénues qui font courir les hommes. Désormais, leurs visages se durcissent et elles s'arment de fouets, de menottes, de cordes, dans des scènes de domination et de tortures sans faux-semblant.
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Dessin extrait de The Bitch Goddess (années 70) |
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Quatrième de couverture de The Bizarre World of Bill Ward,
édité par Eros Goldstripe (1979) |
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Dessin extrait de Supermarket Supertits, écrit et dessiné par Ward,
paru dans le magazine Juggs (septembre 1987) |
Les dernières années
Dans les années 80, Ward travaille également pour les magazines
Juggs et
Leg Show, leur écrivant et illustrant des histoires tous les mois. Le réalisateur Russ Meyer, grand amateur de fortes poitrines et admirateur de Ward, fait aussi appel à lui à la fin de la décennie pour illustrer son autobiographie :
The Breast of Russ Meyer. Le dessinateur est désormais célèbre et ses œuvres originales deviennent très recherchées par les collectionneurs. En 1992, il écrit la bande dessinée
Scorchy, nom qu'il avait voulu attribuer à
Torchy, mais qui était à l'époque déjà pris par une autre BD célèbre : la boucle est ainsi en quelque sorte bouclée. Ward prend enfin conscience de sa popularité et de sa renommée dans le milieu de la pin-up et de la BD, notamment grâce à une exposition individuelle qui lui est consacrée en 1994 à New York. Mais déjà, il est atteint de la maladie de Parkinson et meurt quatre ans plus tard, en 1998, après une série d'attaques cérébrales.
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Couverture du premier numéro de Scorchy, publié en 1992 (coll. de Bill Nutting) |
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Page de garde du premier numéro de Scorchy (coll. de Bill Nutting) |
Les dessins de Bill Ward
Ce livre retrace donc le parcours artistique de Ward à travers de très nombreux dessins soigneusement reproduits et précisément légendés. Je regrette cependant que ses œuvres tardives, celles de l'époque de
Sex to Sexty et Eros Goldstripe, soient assez peu représentées. Pour ce que j'ai pu en voir sur Internet, ce ne sont certes pas les meilleures. On y reconnaît la patte de Ward, mais elles semblent moins originales, plus conformes à un style que l'on retrouve chez d'autres. J'aurais aimé cependant que cette production soit plus abondamment représentée dans l'ouvrage.
Quoi qu'il en soit, ce que je trouve de particulièrement talentueux chez Ward (notamment dans la période
Humoroma), c'est la lumière qui émane de ses dessins, sa capacité à faire briller la soie des bas ou le satin des robes. Dans ses œuvres les plus abouties, les vêtements offrent un rendu vraiment superbe dans leurs textures et leurs mouvements. On y remarquera aussi que, souvent, les hommes sont penauds face aux femmes. Perchées sur leurs talons vertigineux et affichant des formes arrogantes, elles les envoûtent et les hypnotisent. L'homme chez Ward est la plupart du temps le jouet de la femme, une sorte de pantin tiré par les ficelles de son désir.
Pour cette brève présentation en images, j'ai naturellement choisi de respecter la division chronologique du livre, à travers trois chapitres majeurs : "Les Premières Années", "Les Années
Humorama" et "Les Années suivantes". Bienvenue dans le monde fabuleux de Bill Ward...
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(Coll. Joe Anderko) |
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(Coll. famille Ward) |
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Ci-dessus et ci-dessous : les premières telephone girls de Ward (coll. famille Ward) |
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(Coll. famille Ward) |
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"What makes you so sure I wore it ?!" Magazine Jest, janvier 1962 (coll. Joe Anderko) |
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(Coll. Louis K. Meisel) |
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Quatrième de couverture de Cartoon Fun and Comedy, avril 1979 (coll. famille Ward) |
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Une des fameuses telephone girls de Ward, publiée dans Comedy, mai 1958 (coll. Alex Chun) |
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Encore une telephone girl (coll. Benedikt Taschen) |
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(Coll. Louis K. Meisel) |
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Dessin original, sans texte, d'une double page centrale pour Humorama. |
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(Coll. Joe Anderko) |
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Dessin paru dans Breezy, août 1958 (coll. Joe Anderko) |
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(Coll. Benedikt Taschen) |
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Dessin paru dans Jest, novembre 1960 (coll. famille Ward) |
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Dessin paru dans Fun House, mai 1970 (coll. famille Ward) |
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Page intérieure de Fun House, février 1978 (coll. famille Ward) |
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Ci-dessus et au-dessous : dessins de Bill Ward tels qu'en publiait Sex to Sexty. |
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Ci-dessus et au-dessous : couvertures de livres réalisées par Bill Ward |
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Dessin en couleur signé McCartney, fin années 50 début 60 |
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Sketch dessiné et écrit par Bill Ward, paru dans Cracked n°3 |
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Ci-dessus et ci-dessous : aquarelles signées Mc Cartney réalisées par Ward
pour la Hoover Calender Co au milieu des années 60
(coll. famille Ward) |
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Page de garde de Pussycat (vol. 1, n°1), parue dans Men's Annual en 1967
(coll. famille Ward) |
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Travail original de Ward pour la couverture de
Overstreet's Comic Book Price Guide n°8, 1978
(coll. famille Ward) |
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Ci-dessus et au-dessous : quelques couvertures réalisées par Ward
pour les livres édités par Lenny Burtman (Eros Goldstripe et autres) |
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Bill Ward (coll. famille Ward) |
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