Les amours changeantes d'éléonore

Voilà un objet plutôt singulier que ce livre. Car ce n'est pas à proprement parler un livre, mais plutôt un coffret. En effet, pas de reliure ici, mais des petits cahiers volants de huit pages chacun, plus quelques illustrations. Ce coffret s'intitule Les Amours d'Elénore, un texte anonyme enrichi de quinze dessins signés Alain Dumond, publié par les éditions de l'Ibis en 1963. Il semble que cette publication n'ait pas été destinée au commerce, puisque la page de titre précise qu'elle a été réalisée « pour un groupe de souscripteurs ».

Les éditions de l'Ibis

Concernant les éditions de l'Ibis, peu d'informations sur internet. Seulement quelques renvois ici ou là à l'un ou l'autre de leurs livres. Le catalogue de la Bibliothèque nationale de France nous en apprend cependant un peu plus. On trouve tout d'abord deux ouvrages publiés sous ce label dans les années 1920, qui n'ont a priori rien d'érotique : un Traité d'enluminure d'art au pochoir (1925), et un livre sur les caricatures d'André Gill (1927-1928). Difficile de dire s'il s'agit du même éditeur que celui de mon ouvrage. En revanche, on retrouve ce nom à partir de 1945, et il semble bien là que ce soit celui qui nous intéresse.
Les premiers titres, illustrés pour la plupart, étaient des contes pour enfants, des ouvrages d'histoire, quelques romans, et une anthologie de poèmes du XVIe siècle que l'on devine galants : Les Femmes et l'amour (1946). Puis les érotiques commencent en 1956 avec une réédition du Doctorat impromptu illustré par Klem (Eugene Klementieff de son vrai nom). D'autres titres suivent ainsi, généralement des rééditions (plusieurs textes de Pierre Louÿs, les Ragionamenti, un Kama Sûtra, les Mémoires d'un eunuque, etc.) illustrées par différents artistes comme Paul-Emile Bécat, Alain Dumond, Camille Hilaire, Amandine Doré, Raymond Brenot, etc. Certains de ces ouvrages se présentent en volume, d'autres en coffret comme mes Amours d'Eléonore. C'est enfin en 1980 que paraît le dernier livre des éditions de l'Ibis : Le Rideau levé ou l'Education de Laure de Mirabeau, enrichi de lithographies originales de Jean-Pierre Stholl.

Un précieux coffret

Venons-en à notre ouvrage. Il fut publié à 700 exemplaires, tous numérotés. Les dix-neuf premiers ont été tirés sur vélin d'Arches, avec des dessins originaux. Puis 181 autres exemplaires ont été tirés sur vélin de Renage, avec là encore des illustrations supplémentaires. Enfin, les 500 autres furent imprimés sur vélin de Renage, avec quinze illustrations. C'est le cas de mon exemplaire.
Il se présente donc dans un coffret toilé rouge, avec pour seule inscription le titre, sur la tranche, en lettres dorées.

La taille du coffret est de 20 X 27 cm, pour une épaisseur d'environ 5 cm. A l'intérieur, une couverture en papier épais, granuleux, légèrement crème, enferme les feuillets volants, sous forme de minicahiers de huit pages (quatre feuilles). Le papier intérieur est épais, et la page de titre est en bichromie, rouge et noir.

Après un avant-propos introduisant le récit, nous trouvons une première illustration volante, sur une double page, réalisée par Alain Dumond. Cette illustration est en couleur comme les quatorze autres, disséminées dans l'ouvrage (du moins dans mon exemplaire tel que je l'ai acheté, car étant disposées sur des feuilles libres, on peut parfaitement les déplacer).

Le roman

Le texte est anonyme et semble être inédit. Je n'ai en tout cas trouvé aucune autre édition de ce livre. L'histoire est amusante : notre pauvre Eléonore, fruit des amours illégitimes d'un châtelain, prononce ses vœux pour entrer au couvent, seul moyen pour elle d'échapper à la misère et à la prostitution. Alors qu'elle se destine à renoncer ainsi aux plaisirs terrestres, la voilà visitée dans sa cellule par un sylphe (un esprit de l'air dans les mythologies gauloises, celtes et germaniques) qui lui offre une nuit inoubliable de plaisirs charnels. Malheureusement, cette nuit doit rester unique, car le sylphe ne peut renouveler sa visite. Il offre donc à Eléonore, en bon génie, la possibilité de réaliser un souhait. Celle-ci lui demande alors de le transformer en homme, afin de moins souffrir de l'absence du sylphe. Son vœu sera exaucé, avec un petit bonus : chaque année, Eléonore changera de sexe, devenant homme, puis femme, etc.
Dès lors, notre bel Eléonore partagera de jolis plaisirs avec ses sœurs de couvent, avant de partir pour un monastère où il découvrira les joies de l'homosexualité, puis redeviendra femme, etc. Il connaîtra ainsi de multiples jouissances, en tant qu'homme et en tant que femme. Le texte est bien écrit, assez pudique, à la façon des auteurs des siècles passés.

Les illustrations d'Alain Dumond

Les illustrations en revanche sont plutôt modernes. Malgré des décors et des costumes évoquant d'autres siècles, les sous-vêtements, les talons hauts et les attitudes des femmes sont plutôt actuels. Les héroïnes de ces dessins ont à mon sens un air de pin-up, bien dans l'esprit des années 60, avec un corps svelte et sans démesure. Les traits sont fins, les couleurs claires, et l'érotisme est clairement affirmé, sans pour autant glisser vers la pornographie (pas de sexes clairement représentés). En voici quelques exemples :

Je ne connaissais pas cet illustrateur, et hormis le Kama Sûtra publié par les éditions de l'Ibis, je ne connais de lui aucune autre œuvre ou collaboration. Si vous avez des infos à ce sujet, n'hésitez pas à m'en faire part !

Informations complémentaires

ISBN : aucun
Format : 20 x 27 cm
Nombre de pages : 140
Prix moyen d'occasion :  70-80 euros